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Apis et flores, Sylvie De Biasi

 

Point de départ de cette exposition, les fleurs amènent Sylvie De Biasi à évoquer le vivant, l’éphémère, la relation de l’homme avec son environnement. Prêter attention à la plante nous conduit à nous laisser attirer par sa beauté et les échanges qui s’instaurent avec les abeilles. Cet insecte nécessaire à la bonne santé de la planète est ici symbole de la vie sur terre et du développement des relations entre les êtres vivants. L’artiste tisse du lien entre ses observations des plantes, son vécu, des lectures liées au monde des abeilles et à la pratique de l’apiculture.

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Des aquarelles d’un bleu intense, travaillées de manière fluide, montrent l’intérieur de fleurs charnelles, leurs organes, le pistil et l’ovule. L’une est butinée par une abeille. Ces œuvres, teintées d’un certain érotisme suggèrent la fécondation de la plante, cette rencontre nourricière. Une ligne de pollen nous invite ensuite à suivre le chemin de l’abeille dans ce versant poétique de l’exposition. Suspendu au mur, un rateaufane, outil pour retourner le foin, récolté dans un village, abrite du pollen. Rouillé, ce matériel d’agriculteur ressemble à une grosse fleur dont la forme permet d’attirer les éléments naturels.

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Invitant à regarder à l’intérieur, une cage de sommiers, éléments récurrents dans les installations de l’artiste, renferme une très ancienne ruche en paille, récoltée dans le village de son enfance. Un son de musique classique remanié fait écho au vol des abeilles. Suspendue au plafond, comme emprisonnée, une sculpture de cet insecte en papier maché et en dentelle noire semble être en train de s’éteindre. L’abeille nécessaire au bon fonctionnement de notre écosystème a perdu de sa vigueur et nécessite qu’on la recueille et qu’on prenne soin d’elle.

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Sylvie De Biasi nous invite à prêter attention à notre relation à la nature et aux pratiques agricoles. Sa série de dessins à l’encre nous fait voir une multitude de fleurs mellifères qui nous invitent à les reconnaître, à se souvenir de cueillettes dans le jardin et dans les champs. Leur bleu nuit, couleur de la mélancolie, convoque la fanaison, la disparition de ces végétaux. Le miel libère une odeur incrustée dans le papier et dans les cadres qui les met en valeur. Une série de cadres avec leurs alvéoles crée un lien pour nous faire songer au processus de pollinisation. Son collage de photos de documents sur des pesticides dans une variation de teintes bleues et liées à la terre, sur lesquels viennent se poser des ailes d’Erable, manifeste le déclin des abeilles. L’homme est ainsi présent dans cette œuvre d’une grande force par les écrits qu’elle dévoile. Suspendus au ras du sol, ses dessins d’abeilles mortes, étant prêtes à tomber, en fin de vie, d’une ligne plus incisive, d’un bleu intense sombre, captivent notre regard.

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Pour nous mettre en garde contre les méfaits d’une intervention trop intensive de l’homme sur le vivant, dans du foin, l’artiste a installé des tasses fleuries brisées. Ces éclats évoquent le déclin des plantes et plus encore celui de nos milieux, sources de vie. Au sol, une ligne de fruits d’Erable annonce la disparition de ses insectes pollinisateurs et s’ajoute à cet instant bref de vie qui s’éteint. Sylvie De Biasi nous engage à réfléchir au rôle de l’homme sur la planète, à ses pratiques aux champs et surtout rappelle que la santé de nos terres dépend de notre relation aux plantes ainsi qu’aux abeilles.

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Les objets et les éléments naturels qui composent cette exposition se rattachent à l’enfance de l’artiste et nous mènent également à nous souvenir du travail à la campagne. L’insecte est ici symbole de la vie sur terre et des interactions au sein d’une famille. Dans cette atmosphère bleu nuit, les œuvres suspendues, certaines encore pleine de vie, d’autres inspirant la mort, rendent hommage aux usages respectueux de la nature, de la biodiversité et du monde animal, mais mettent en garde contre notre utilisation trop massive des produits pesticides qui au fil des ans conduit à l’extinction des abeilles, au déséquilibre du cycle du vivant et appauvrissent notre terre. La densité d’œuvres de divers bleus de Sylvie de Biasi convoque le cycle de la nature. L’artiste recompose ainsi un jardin à la campagne, la culture dans les champs et nous incite à porter notre attention sur la disparition de la biodiversité.

Pauline Lisowski

Critique d'art

Curatrice

http://paulinelisowski.wixsite.com/critiquedart-curator

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