top of page

EXIL, une exposition de Sylvie De Biasi,

Pauline Lisowski in Le corridor de l'art, 2019

​

Exil, ce mot résonne comme un passage, un déchirement, une porte vers un ailleurs.

L'oeuvre de Sylvie De Biasi active des liens ou retisse des relations entre des gens. Son travail convoque le don, le geste de tissage et de recueil de mémoire. L'artiste mène une collecte d'objets. La valise, contenant de souvenirs, éléments qui traversent les lieux et le temps est ici vecteur de réminiscence, de souvenirs. Elle met sa sensibilité au service de ce que lui transmettent les personnes qui lui confient leurs objets. La valise renferme la vie de personnes et l'ouvrir fait surgir des histoires contenues. Cet objet de voyage ouvre pour des récits libérateurs, des émotions et témoignages qui renvoient à une histoire personnelle ou collective. Chacun peut s'approprier ce contenant, qui le transporte dans ses souvenirs de toutes sortes, exode, immigration, pension et l'amènent à se livrer à l'artiste. Sylvie De Biasi compose avec Exil une installation de valises qui ont traversé le temps. Chacune serait un individu et l'ensemble constitue un lieu, une passerelle instable, où auraient atterri des personnes de différents continents.

​

Des croquis encrés dans des petites valises font écho à des situations, traces, qui renverraient à des évènements vécus et des lieux traversés. Les corps paraissent tendus, comme tentant de résister et d'avancer. A l'intérieur, les vêtement plisés incarnent une présence fantomatique. Seraient-ceux de personnes qui ont voyagé ? Ceux qui auraient été oubliés ? Ceux qu'on retrouve comme nos liens avec des personnes. Sur des cartons de déménagement, ces objets paraissent en attente de leur propriétaire, de celui ou celle qui va récupérer ce qu'elle a laissé derrière, loin. Ces cartons renvoient à la possibilité de s'installer de constuire, de s'arrêter un moment.

​

Sur des sommiers surélevés formant un radeau, les valises semblent flotter, aller ensemble vers un inconnu et leur entrelacement par la corde suggère un soutien possible. Cette installation renvoie à la fois à la difficulté du voyage et à l'esprit de communion. Un bateau pneumatique encordé crée un lien avec l'ensemble de ces valises. Des sacs à pains, à farine convoquent aussi le manque, le besoin. Autres contenant, ils se joignent aux objets qu'on lui a prêtés. Vélo, poussette, landau, chaussures, véhiculent la circulation, le voyage, des situations entre l'espoir et la peut. Des géographies personnelles sont évoquées tout en incarnant des questionnements existentiels. Des secrets restent conservés tandis que des souvenirs sont découverts.

​

La bande son crée du lien entre ces différentes valises et autres objets de déplacement. Des voyages à travers les lieux et les époques sont ainsi tissés. Exil, ici ce mot à la typographie détournée, reflète la perte de repères et les retrouvailles.

Sylvie nous invite à nous projeter dans les récits contenus dans ces objets porteurs d'ne expérience. Nous y retrouvons nos racines et les œuvres nous incitent à éprouver la survivance d'images et permettent la transmission de ce qui est resté au plus profond de nous. Cette exposition convoque aussi bien les migrations dans le monde, les immigrés d'avant, les réfugiés de maintenant, ceux qui ont vécus l'exode, la fuite ou l'obligation de vivre en pensionnat très jeune, même. les œuvres touchent des souvenirs ancrés au plus profond de nous et ces phénomènes de société, ces contraintes de quitter pour aller vers des lieux incertains. 

La force de ce travail tient des ouvertures possible que laisse l'artiste au spectateur. Sylvie De Biasi nous relie, êtres humains dans nos différentes étapes de la vie, dans nos ailleurs oubliés ou à vivre.

​

Pauline LISOWSKI

Critique d'art

Curatrice

http://paulinelisowski.wixsite.com/critiquedart-curator

bottom of page